Proposition 7:Marc
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Proposition 7:Marc http://frenchpeterpan.over-blog.com/
Voilà le spectacle est fini, je ne comprends plus rien à ces moments-là ; moi qui jadis aimais tant le théâtre. Encore une pièce bien morose, surjouée. « Une que c’est pas la peine » comme disait Maurice Pialat.
Du coup j’ai passé une bonne partie de la soirée à fixer la nuque de ma voisine devant. Belle nuque. Belle courbe du cou. Juste cette bretelle verte qu’on aimerait couper avec une paire de ciseaux et le petit sourire d’un dieu lubrique. Bon tu ne t’es pas retournée. On m’a donc menti, j’avais pourtant fixé ta nuque avec intensité jusqu’à avoir mal aux yeux ; normalement tu devais te retourner, ou te gratter la nuque. Mais, non rien. La science des regards n’est donc pas exacte.
Le public se lève, un brouhaha soudain emplit la grande salle. Toi tu te penches, renoues tes chaussures, vertes elles aussi ; ah ! l’habileté de l’être féminin me surprendra toujours. Une parfaite harmonie entre robe et sandales. Un parfum vert peut-être aussi, c’est vrai que ton parfum était fort et je ne le reconnaissais pas. Tu t’es penchée et fis ces gestes délicieux autour de tes chevilles. Ces moments de lacer et de délacer sont un pur bonheur pour le fétichiste que je suis peut-être. Un moment de grâce, encore, mais naturel pour vous. Et puis, comme les spectateurs n’allaient pas assez vite, tu as enjambé la rangée devant toi et j’ai mieux vu tes jambes fines et longues. Bref, encore un moment d’ultime féminin que les hommes aiment si souvent saisir dans leur imagination maladive. C’est presque trop facile pour vous. J’ai songé alors à cette belle chanson de Brassens « Les passantes », sur un poème d’Antoine Pol. Tu es partie dans ta douce altérité de femme, tu semblais seule et pressée. Je suis resté sur mon fauteuil à goûter ces derniers moments-là. En plaisir, toujours. Je t’ai imaginée comme dans ces belles photographies manipulées de Jean Sébastien Monzini ; une sorte de sirène, isolée dans ce théâtre trop rouge et toi trop verte. L’artiste rajoute souvent des cyprinidés orange dans ses photographies. J’ai imaginé de même : toi seule, rousse sublime, charmante robe verte, sandales vertes. Tu t’allonges dans une allée. Tu fermes les yeux. Ces gros cyprins nagent doucement dans l’air, très doucement, queues et nageoires oscillant si lentement. Et moi je me nourris d’images inattendues. Tu as toi-même tes rêves, ils donneraient lieu à une autre série de photographies, et je m’y vois déjà, rajeuni, fier et viril n’attendant qu’un de tes sourires pour te manger toute crue…
- Monsieur, on ferme !
- Excusez-moi, je rêvassais.
Dehors, quelle ne fût pas ma surprise de voir autour du théâtre un grand nombre de poissons orange nageant dans l’air en grande douceur ; puis je te vis enfin, multipliée en nombreuses taches vertes, toi, ma rousse de tout à l’heure en dizaines d’exemplaires, tous différents ; sans nul doute tu m’attendais dans tes photographies à toi.
Marc