1:Contribution de Francesca Blue
Le jour s'achève en une apothéose mauve et rose derrière le contre-jour des grandes tours. Il fera encore beau demain, mais son coeur à elle, n'est pas à l'unisson de cette splendeur.
"Elle le regarde, attendrie, disparaître dans la rue..."
Depuis quelques mois il était revenu à la maIson, fier et sûr de lui, son certificat de fin d'études en poche. Son année scolaire, dans une grande ville éloignée où il n'avait que peu de connaissances ni aide, l'avait fatigué. Il avait beaucoup grandi, mais peu forci. Son teint avait pali, ses traits s'étaient marqués, et ses cheveux blonds pâles, qu'il portait longs, accentuaient encore cette impression de plante poussée trop vite et à l'ombre.
Il éprouvait le besoin momentané de se retrouver en famille, revoir les amis, se ressourcer : lire, écouter des disques, profiter de mes petits plats, des conversartions avec son père et son frère aîné.
Les mois avaient passé, avec leur lot de désillusions. Les réponses à ses courriers, quand il en recevait, étaient négatives : "pas de poste disponible pour l'instant, on garde votre lettre en attente..." Mais rien ne se produisait.
Son bien être avait disparu, son assurance avait fondu avec son optimisme.
Il se repliait sur lui-même peiné et honteux.
Quant à moi, j'étais de plus en plus inquiète, et même révoltée : avoir fait trois ans d'études aussi pointues en pétrochimie, dans un domaine tellement primordial en ce moment de crise, et ne pouvoir trouver d'emploi adapté, me paraissait invraisemblable !
Jusqu'au jour où une réponse favorable était arrivée d'Angleterre :
un poste lui était proposé sur une plate-forme off-shore de la mer du Nord...
Mes appréhensions sur la dangerosité du poste, l'éloignement, le constat que ce qu'on lui offrait n'était pas du niveau de ses études... Rien n'y fit.
Il avait décidé d'accepter cette première expérience professionnelle, et ce nouveau changement de vie.
Et ce soir, il prenait le train pour gagner le Pas-de-Calais et embarquer.
Je le regardais bouleversée, disparaître au bout de la rue, pour quelques dures années de séparation, et une énorme boule d'émotion m'étouffait, en silence.