Lettre 9:Marc
Lettre 9:Marc
Ma mie, ma petite fille
Berre était encore dans la nuit, ce matin. Quelques flammes et lumières vacillaient comme dans ces étranges et lointains pays pétroliers. L’aube, à peine, léchait la terre rose. A l’aéroport Marignane, tout était désert après ton départ. Tu n’étais plus là, toi, ma flamme, ma mémoire vive. Tout à l’heure, j’irai à Aix-en-Provence, m’asseoir à ce café que tu aimes toi aussi ; cette ville, gorgée de soleil et de piétons, grouille tellement qu’on se croirait en Espagne. Sous les platanes et les fontaines bourgeoises, les belles aixoises guindées excentriques à la démarche étudiée me donnent parfois l’envie de revivre, de recommencer. Un enfant poursuit un pigeon, un couple se serre sans équivoque, ceux qui « s’aiment » ont l’air heureux. Les étourneaux font un boucan du diable haut dans les arbres.
Un chien passe là, insouciant du monde humain, à la recherche de sa vie à lui. Je te souhaite, ma mie, ma petite fille, d’être ainsi comme lui libre et voyageur, indépendant et sociable, fier et curieux du monde. Quant à moi, tout à l’heure, je reprendrai encore ce corridor étroit, celui des longs couloirs blancs des hôpitaux et des séances douloureuses, ne t’inquiète pas, encore une fois, je tiendrai le coup, je serrerai les dents quand mes belles infirmières perceront mon cuir et je lutterai comme depuis le début, tu le sais, je t’en ai fait l’engagement. Je n’ai juste qu’à fixer un point imaginaire sur ces hauts plafonds trop blancs. Puis fermer les yeux, en songeant à toi.
A bientôt, donc. M.