21:François

Publié le par NatC

Le paysage défilait de l’autre coté de la vitre, Ludovic, calé dans son fauteuil de première classe, laissait vagabonder son regard au milieu des vallons et des plaines. Il avait pris le train à Albertville pour la dernière étape de son voyage, terminus Annecy.  

De temps en temps les volutes de fumée de la locomotive obscurcissaient le ciel. Ludovic se laissait bercer par le bringuebalement de  la voiture et le « tinggeli-tinggela» des roues sur les rails. Il regardait maintenant l’intérieur du compartiment. Six sièges en velours vert sombre brodés de fils d’or au-dessus de lui son bagage était posé dans un filet tendu.  

Il ne pouvait s’empêcher de penser aux retrouvailles. Sa mère le serrerait dans ses bras, pleurant son défunt père, Son  frère, de cinq ans son cadet,  le reconnaîtrait-il ? Il n’avait que douze ans quand Ludovic avait quitté la maison, il y a six ans, ce beau matin de juillet 1914. Il avait bien changé depuis. Et la vieille Armande, sa nounou serait-elle toujours là ? Il imaginait cette scène comme un tableau de Dürer, sombre mais joyeux. Joyeux parce que la vie rendait à une famille un fils. Sombre car parti beau jeune homme il revenait grand invalide prématurément vieilli par la sale guerre.  

Ludovic commençait à s’assoupir  quand le sifflet strident de la locomotive le tira de ses rêveries. Le train lancé à pleine vitesse venait de passer Doussard, il commençait à longer le lac. Malgré les trente kilomètres heure Ludovic baissa la vitre pour voir tous ces endroits qu’il ne pourrait plus parcourir à vélo. Le convoi traversa Lathuile puis Brédannaz  en passant à Druingt, Ludovic aperçu Annecy, plus qu’une heure de train. Le ciel  se reflétait sur le lac lui donnant cette teinte bleue, les rayons de soleil irisaient l’atmosphère  changeant le paysage en  tableau digne des impressionnistes. Un vol d’oiseaux s’égailla dans le ciel mais il ne les vit pas, il n’avait plus en tête que le regard de sa belle infirmière, que sa douceur lorsqu’elle l’avait  soigné, qu’elle lui disait que même sans jambe il resterait un homme. Ces yeux là étaient gravés en lui, il s’assoupit le sourire aux lèvres.     

La plume est la langue de l'âme 

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B
Au bout de l'enfer, il y a peut-être la lumière ! <br /> Merci  François, pour ce beau moment d 'écriture .
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F
Merci à tous pour vos commentaires, ils me vont droit au coeur.<br /> Je m'excuse auprés de tous de ne pas avoir pu prendre le temps de vous lire mais les exigences professionnelles m'accaparent. Une fois le 15 avril passé ce sera plus calme et je reviendrais sur vos contributions .<br /> Un petit commentaire spécial pour Nathalie.<br /> et non je ne suis pas d'Annecy, mais quelques recherches sur le net m'ont permis de découvrir cette voie ferrée désafectée , l'histoire de la région les locomotives à vapeurs. Mes recherches m'ont donné envie de découvrir cette région.<br /> et merci Nathalie pour le coeur que tu mets à animer ce site <br /> A Bientôt <br />  
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N
Merci François pour ce très beau texte qui me touche particulièrement car j'ai le sentiment de faire un grand pas en arrière depuis chez moi!<br /> Je passe souvent devant la loco de Bredennaz en vélo.Mais dis moi, tu ne serais pas de ma région???<br /> Nat
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L
trés bien écrit, j'aime beaucoup
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A
Beau texte, on ne peut qu'imaginer mais non sans émotion.....<br /> ABC
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