APRES LA PLUIE DE FRANçOIS

Publié le par NatC


Les parfums de sous-bois à l'automne !!!! enivrants
Juliette


Après la pluie vient le beau temps

L’éclair qui déchirait le ciel hier n’est plus. Les lourds nuages noirs qui l’accompagnaient sont partis au gré du vent et des courants. Eblouissant, le soleil perce la brume. Il reparaît, plus chaud, plus jaune. Mon regard d’enfant, irradié par cette luminosité, regarde la campagne comme d’autres, en ville, scruteraient la vitrine du confiseur.
 
Sur la table, mon bol de cacao fume, doucement, libérant cet arôme épicé, mélange d’exotisme et de l’odeur du lait trait du matin. La voix de ma grand-mère doucement me sort de ma rêverie
 
-          Ludovic, ne reste pas à la fenêtre, vient boire ton lait, je t’ai préparé une tartine.
 
L’habitude nous fait oublier les odeurs du quotidien. Plus intense que les émanations de mon bol, la maison est envahie par le fumet des deux pains sortis du four. Les relents de farine brûlée,  de  croûte craquante, et de mie moelleuse masquent la senteur des meubles en bois qui restituent l’humidité de la veille.
 
Ici j’appends à savourer les choses simples de la vie.
 
Mon grand-père, en bout de table, sans un regard pour moi, se tourne vers ma grand-mère :
 
-          aujourd’hui il va faire beau, je vais mener les bêtes sur les terres du haut, prépare moi une gamelle, je ne redescendrai qu’au soir
 
Je m’agite sur ma chaise en bois ciré espérant un mot un regard. Il replie son couteau après l’avoir essuyé.
 
Il sort de la pièce, elle sourit, et je me tortille.
 
En soulevant le couvercle de la marmite le bouquet du ragoût supplante tout, mariage aromatique de la viande, des carottes, navets, pomme de terre, liés par une sauce épaisse cuite à petit feu. Ma grand-mère met la gamelle, dans le sac gibecière avec un gros morceau de pain, et prend dans le sellier une bouteille de vin.
 
J’esquisse un début de phrase :
 
-          grand-mère tu crois que ?
-          que dois-je croire Ludo ?
 
Mon grand père entre dans la pièce, je me dandine de plus belle d’un pied sur l’autre sans oser. Je regarde mon grand-père, son visage buriné, sa grosse moustache, je ne sais que dire, il ne parle pas souvent. Derrière ses sourcils épais ses yeux pétillent.
 
-          Eh bien quoi tu n’as pas encore mis tes bottes et ton caban !
 
D'un bond, je file dans la remise, la vapeur de la paille humide contraste avec les remugles âcres du caoutchouc de mes bottes. Deux minutes après je cours à l’étable. Il y fait bon. La chaleur humide des vaches réchauffe l’atmosphère, dans l’air flotte le parfum des bêtes, de leur litière fraîchement nettoyée, du lait frais du matin. Mais point de grand père, Toinon s’occupe seul du troupeau.
 
-          Ton pépé t’attend dans la cours !
 
Avec grand père, j’ai pris l’habitude de ne pas poser de question, les mots sont importants, dit-il, il ne faut pas les gaspiller.
 
A peine me voit-il qu’il se met en route vers le petit bois, ma promenade préférée.
 
Dés l’orée du bois, nous foulons l’humus, à chacun de nos pas, l’exhalaison de la terre, légèrement putride, envahit nos narines. Au bout de quelques minutes mon pépé s’arrête, il me regarde et me dit
-          respire, que sens-tu ?   
-          La terre pépé !
-          Non, apprends, respire mieux, ne sens-tu pas au milieu de l’acidité comme une douceur ? Ferme les yeux et inspire ?
 
Je crois discerner mais sans en être sûr.
 
-          qu’est-ce que c’est, grand père?
-          ce sont des champignons, il doit y avoir des bolets par là ! avance doucement et regarde au loin du chemin !
-          Là, pépé, j’en vois un, un autre …
 
Grand père avait déjà sorti son couteau. Il les coupe à ras de terre, et met la précieuse récolte dans son sac. Il attrape une poignée de terre dans la main, me la tend :
 
-          ferme tes yeux et respire.
 
J’aspire à m’en époumoner, la fragrance s’était adoucie. En rouvrant les yeux je vios qu’il a posé le champignon sur le terreau.
 
-          Maintenant sens-tu la différence ?
 
En montant vers les hautes pâtures, nous nous sommes arrêtés souvent.
 
Chaque halte me faisait découvrir l’importance de l’odorat, de la vue, du toucher, de l’ouie, du goût.
Chaque halte me montrait un peu plus ce que la ville nous fait perdre.
 
 C’était le temps des vacances

François

La plume est la langue de l’âme

 http://www.fbl77.com/
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Merci à tous de vos commentaires.Il n'y a rien de plus enivrant pour l'auteur que de capter le regard qui passe et de le conserver.c'est sans nul doute le plus beau message que l'on ne m'ait jamais laisséEncore merci
Répondre
F
Je n'avais pas vraiment le temps de m'arrêter pour lire...mais je suis restée : ce texte m'a emportée dans les délicieux souvenirs d'enfance, dans toute une ambiance que j'ai respiré avec grand plaisir !;-)
Répondre
B
Un bel enseignement
Répondre
A
Voilà une subtile évocation d'un grand père passeur de vie...amicalmentArthi
Répondre
A
L'odorat comme tous les sensSe construit dès l'enfanceQue de réminissence !Les grands-parents ont une telle importance !!!
Répondre