SOUVENIR DE JARDIN de CLAUDIE
Insectes et parfums donnent vie au jardin
LE JARDIN DU SOUVENIR
L’enfant promène sa voiture dans les allées du jardin. Une voiture taillée dans une boite à sucre. Le progrès a encore du mal à pénétrer la torpeur des campagnes au début des années cinquante. La boite en carton se retourne sur les pavés. Une abeille à rayures, s’échappe en bourdonnant d’un massif d’hortensias bleu d’ardoise. Toute une vie s’agite au milieu des fleurs : insectes en livrée rouge comme des gendarmes, chenilles vertes cachées dans le secret des feuilles, minuscules fourmis en processions bien alignées. L’enfant s’accroupit pour les observer. Des odeurs suaves lui chatouillent le nez. Odeur de terre mouillée, de fleurs fanées, d’écorces arrachées. La brise de la fin de l’été emporte les parfums des rosiers grimpants de la tonnelle, les papillons chamarrés tourbillonnent deux par deux enlacés. Entre les feuilles vernissées une épeire a construit une toile où s’accroche la rosée. L’araignée du matin file sur ses grandes pattes désarticulées. Le petit bat des mains, le jardin révèle bien des secrets, il veut toucher les corolles délicates, et faire éclater entre ses doigts les pistils étoilés. Quelque chose l’en empêche. La tendre voix de son grand père jardinier peut-être qui lui a expliqué que la nature est vivante, que les plantes ressemblent à des femmes. C’est vrai, elles ont une chevelure végétale, des feuilles duveteuses si douces à caresser, et des fleurs qui déploient des couleurs de conte de fées. Le jardin dans la fraîcheur de ce matin presque automnal ressemble à un paysage enchanté.
CLAUDIE