Texte de Guy

Publié le par NatC

 

 

Texte 1:Guy 

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C’est ici que je me sens bien, là, dans mon lit. Et pourtant.

Il va être bientôt quatre heures, à mon avis.

Mon horloge biologique me l’indique.

Je vais, au sortir de mon sommeil, vérifier.

Une allumette, et le cadran de ma montre gousset me donne quatre heures moins cinq.

Je le savais. J’ai quelque peu sommeil encore, mais mon estomac me dit qu’il faut que je me lève.

Regard interrogateur au dehors. La journée s’annonce claire et belle. Bien qu’il soit encore nuit, je sais qu’il va faire beau. Les montagnes pyrénéennes se découpent dans le ciel encore noir. Mais dans vingt minutes le firmament va s’éclairer pour laisser apparaître en ombre chinoise mes montagnes. Mon cadre de vie. C’est ici que je me sens bien, en haut.

Et mes brebis ne vont pas tarder à m’interpeller.

J’allume mon réchaud, et avant que l’eau n’atteigne l’ébullition, je sais que j’ai le temps de m’asperger le visage d’eau froide dans la source toute proche qui va m’aider à vraiment me réveiller.

Juste le temps de passer mon café, déjà mes enfants appellent !

Les pis gonflés, la « belle », la « dourette » et la « fière » me réclament. Elles me laissent juste le temps de finir mon pain beurré et mon café !

Souvent je jure contre elles, mais dès que je les vois je les aime.

Je sors. Elles m’accueillent comme le messie.

Elle savent que je vais les soulager de tout leur poids, que grâce à moi leurs mamelles ne vont pas rester jusqu’à l’insupportable.

Je suis leur dieu elles sont mes déesses.

Le jour se lève. Un environnement orangé éclaire le pâturage.

Mes brebis sont toutes là. Ma chienne aussi.

Je vis.

Je vis avec mes bêtes et mes bêtes vivent avec moi. Que demander de plus ?

Une à une, je vais traire mes compagnes d’altitude. Chacune me donnera de bonne foi ce qu’elle pourra ou voudra, de trois à quatre litres de lait.

Quarante brebis, la Miss (ma chienne) et moi ; et des hectares. C’est ici que je me sens bien, dans ce pays. Des étendues d’un vert tendre qui changent de nuances au fil de la journée. Il me fait grand bien de contempler cet espace.

Pas un bruit.

Ou plus exactement pas de bruit parasite. Le bêlement des bêtes, le sifflement du vent au dessus du buron, l’aboiement de la Miss, et parfois quand je me sens trop seul, juste le son de ma voix.

Je reconnais qu’il m’arrive de me parler à moi-même. A trop de solitude on arrive à chercher une compagnie. Alors, je me parle. Juste pour entendre une voix. Et même si c’est la mienne, elle comble le seul vide dont un homme a besoin.

Il m’arrive souvent de parler dans la langue de mes parents : l’occitan. Parfois, dans des moments de grand élan, je me parle même en espagnol. Je ne suis pas d’ici, mais c’est ici que je me sens bien. Je ne me parle pas.

Je parle.

Six heures, à peu de choses près. Toujours pas besoin de regarder ma montre. C’est le temps que me prend la traite. Le soleil est déjà passé au dessus du pic d'Orhy. Berceau de la pelote basque entre océan et collines, l'âme basque est ici tout entière contenue dans la plus petite de ses provinces. Au pied de la Rhune, la nature par ses grottes et leurs galeries devient mystérieuse. Mystère aussi de la langue " l'Euskara " qui partout se parle, se chante.

Mais seul, du haut de « mes montagnes », je règne en maître et j’ajoute aux coutumes, aux désirs, aux besoins des gens de ce pays, ma culture ancestrale.

C’est vrai qu’il va faire beau.

Et, au même moment, il y a un Parisien qui s’engouffre dans une bouche de métro pour aller travailler.

Place de la Nation, direction Pont de Sèvres.

C’est ici que je me sens bien, en pensant à lui.

Stations : Rue des boulets, Charonne, Voltaire, Saint-Ambroise, Oberkampf. Descente à République. Vingt minutes tout au plus.

Puis il ressort de terre.

Place de la République.

Cette grande place qui a été aménagée par Haussmann en 1854. En son milieu se dresse la statue de la République, réalisée par Dalou en 1883, haute de 10 m et reposant sur un socle en bronze figurant les événements de l'histoire de la République. Mais tout cela, le Parisien, il ne le sait pas et ne cherche pas à savoir. Dommage.

Moi, je sais.

Et je sais que les montagnes sont là ! Et depuis plus longtemps.

Publié dans vos poésies

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G
Un grand merci !Tout d'abord à Nathalie qui a eu cette simple mais grandiose idée de faire appel à des inconnus.........Et merci aux auteurs des commentaires. Je n'en attendais pas tant.Très touché en tout cas que ma p'tite sensibilité soit passée à travers mon texte (trop long, n'est-ce-pas Nathalie ?) et qu'elle vous aie interpellés.Ca encourage et j'espère être à la hauteur lors du prochain thème !SincèrementGuy
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N
Non Guy ton texte n'est pas trop long,j'espère que c'est de l'humour!Bises
:
que je me sent bien après avoir lu ce magnifique texte, avec un bonheur simple et si vrai que la plupart des humains ne connaisssent plus puisqu'ils ont perdu les racines de leurs ancêtres. Et là dans cette montagne le bonheur l'amour du pays , et le savoir, tout est simple, le contraste est saisissant de vérité, je ne peut que dire bravo, A quand un autre texte bonne soirée et bises
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L
Je me suis crue dans Les fruits de l'hiver de Bernard Clavel. Un homme simple de la campagne mais puissant de coeur, empli de sensibilité, de conscience de sa chance de vivre de tels moments. Un très beau texte, en abaissant un peu plus les paupières, on s'y retrouve facilement et dàjà on se dit que nous aussi in s'y sentirait bien.
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B
Un beau voyage au pays de la terre, vraie,des odeurs , des couleurs, des saveurs, des émotions, des pas vers un ailleurs enchanteur......un beau moment de vie , en partage !
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P
On s'y verrait presque, c'est vraiment beau, et vivre à la montagne c'est vraiment une aubaine, une joie constante je crois, je comprends qu'il se sente bien là bas comme toi Nat certainement !<br /> Mille bravo !!
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