L'ARMOIRE AUX SECRETS dE CLAUDIE
cachés dans un coin de notre vie
C’est une majestueuse armoire de chêne. Elle se cache au fond d’une chambre, délaissée car trop lourde, trop pesante. Elle est la gardienne des secrets, des trésors inavouables, des mille petits riens qui tissent la soie de l’enfance. Sa porte grince sur des gonds mal huilés. Dans ses profondeurs, l’adulte recherche la fillette cachée derrière les robes et les manteaux saupoudrés d’antimite qui la font éternuer. Celle qui aimait se réfugier dans la chaleur du bois odorant par crainte des monstres dont les ombres couraient sur les murs et se révélaient à la faveur du faisceau de la lampe. Dans un tiroir la gamine a dissimulé des insectes morts pour la leçon de choses, des fleurs séchées, ramassées lors de la Fête-Dieu. Une très jolie fête où les rues se chamarraient de pétales de toutes les couleurs après la procession. Des pages d’un vieux carnet à l’encre bleue : morceau de poèmes, bribes de phrases de journal intime jamais achevé. Cailloux ramassés sur le chemin de chante-oiseaux qui portait si bien son nom et abritait sous ses frondaisons les couples d’amoureux. Dans un autre tiroir, la boite à couture avec ses petits ciseaux en forme de cygne, le dé à éviter les piqûres maladroites, les bobines dénudées, les boutons de nacre comme autant de coquillages et les petits carrés d’étoffe où ses doigts suivent la trace sinueuse de broderies. Point de croix, point bourdon, point de tige, de chaînette. Des heures à tirer le fil sous l’œil vigilant de l’institutrice car c’était encore une discipline scolaire. Et puis trônant comme une friandise, la boîte à bijoux avec ses bagues si petites, ses colliers de perles de verre, sa chaîne de baptême en or, le bracelet à breloques offert par sa marraine.
L’adulte referme un à un les tiroirs et un rien nostalgique va chercher la cire d’abeille qui redonnera essence et vie à une belle armoire d’enfance.
CLAUDIE