LA "MADELEINE" de JULIETTE
Mé Léonie, la mère de notre grand-mère maternelle, était une vieille dame, très alerte. Elle faisait tout dans la maison et le jardin
Et elle nous gâtait,
Ce que nous réclamions souvent, pendant nos vacances d’été, c’était des petits pains.
Pour ma sœur c’était un petit pain au lait, pour moi un petit pain de seigle aux raisins.
Elle ne disait pas toujours oui, mais elle cèdait vite.
Alors, nous traversions la Grand-Place en courant devant elle, derrière elle, sautant, nous pendant à ses bras.
« Allons ties-toi* tranquille ! (ce n’est pas une faute de frappe, elle disait ties-toi et pas tiens-toi)
La boulangerie était à l’angle de la place à l’opposé de la maison du Grand-père Ernest. Il fallait parfois attendre un peu derrière une cliente…
Mais le régal était toujours le même.
La croûte craquante, la mie molle et un peu amère et sucrée, et « les raisins » ! Merveille des merveilles ces raisins !! sucrés et tendres, le goût fondant sous la langue….
Sur le chemin du retour, je prenais la main de Mé en sautant de plaisir.
Arrivées à la maison, je me précipitais sur ses joues ridées et si douces,je m’asseyais sur un petit tabouret à ses pieds et caressais ses bras maigres et ridés, « que tu es belle Mé, que tu es belle ! »
Et c’était vrai, malgré ses rides : avec son petit nez retroussé, son joli visage rond, ses cheveux tirés en chignon, et sa robe noire à petites fleurs, qui lui tombait jusqu’aux pieds.
Elle protestait bien sûr « Mais non, je ne suis qu’une peute vieille «
Et j’ai toujours autant de plaisir à manger un petit pain aux raisins, quand j’a la chance d’en trouver
Juliette
*
En patois
» ties » pour tiens
« peute » veut dire laide