LES PETITS CAILLOUX de ROLAND

Publié le par beaudroit_juliette

Le petit caillou

 

Je suis le petit caillou de Jérémy. Nous sommes des amis de longue date. Je voyage avec lui depuis des années, parfois dans sa veste, souvent je fais une trêve sur son bureau, ou alors il me serre dans le creux de sa main pour chasser son stress.

En ce temps là, le chérubin qui n’était pas plus haut que trois pommes, aimait à ramasser mes semblables. Ils finissaient régulièrement au fond de ses poches souvent  trouées par les billes ou quelques objets n’ayant pas de nom. A peine arrivé dans la cuisine de sa maman, Gérémy les déposait sur la table, faisait le tri de son butin, mettait les plus beaux de côté, gardait certains pour son lance-pierres et se débarrassait de ceux qui n’offraient aucun intérêt. Le rituel était chaque fois le même. Et puis un jour, je fus collecté par ses petites mains. Il me regarda longuement, me tourna mille fois de ses petits doigts agiles, je n’étais pas fier. Jérémy,  certes était petit, mais je l’étais aussi et bien plus que lui. «  Pourvu que je ne finisse pas dans sa fronde ou tout simplement qu’il se serve de moi pour faire des ricochets. Ca fait mal, parait-il.) pensai-je, n’osant rien dire.

S’il m’avait sélectionné, c’est que j’étais beau, donc j’avais une chance de me tirer d’affaires et de ne pas terminer ma vie soit comme un projectile sur les oiseaux ou soit de  finir quelque part dans une mare. Qui viendrait alors me chercher ? « Wahou ! Qu’il est mignon celui-ci. » l’entendis-je murmurer, puis s’adressant à sa mère :. «  Maman regarde comme il est beau, c’est le plus beau de tous. Je vais le garder toujours avec moi. » Diable ! Un vrai coup de foudre. Après tout je n’étais pas mécontent et je rougis, foi de petit caillou.

Gérémy devint un adolescent  à la fois timide et turbulent, riant et pleurant ses chagrins déjà gros. Au fond  de ma poche pardon la sienne, je sentais ses doigts tremblants me caresser. Il me parlait comme on le fait avec une personne. « Mon petit caillou, heureusement que tu es là. Au moins tu ne dis rien tu es toujours d’accord. Ce n’est pas comme Elle qui vient de me laisser pour le bel Adrien. Qu’a-t-il de plus que moi, je te demande ? » Que pouvais-je bien lui répondre et faire pour l’aider. Alors il me portait à ses lèvres et murmurait  des prières pour qu’elle revienne, mais elle avait le cœur dur comme du granit. J’étais devenu son confident. De nuit sans sommeil, en jours tristes, de belles journées en soirées bien arrosées, les années s’écoulèrent et Gérémy devint un homme et il partit à la guerre, mais jamais il ne m’abandonna. J’étais dans la poche de son veston chaque instant près de son coeur. La balle qui s’écrasa sur moi ce jour là lui sauva la vie. J’avais beau être un caillou, j’avais aussi un cœur. Croyez-moi, les cailloux en ont un aussi et surtout les petits.

A son retour, pardon à notre retour, le beau Gérémy se maria et la main douce de sa bien aimée m’adopta. «  Tu as vraiment un beau caillou, mon Gérémy. Ne t’en sépare jamais, c’est ton porte bonheur. ». J’étais devenu un talisman pour la belle demoiselle et mon cher Gérémy. Quel honneur. Ainsi, je coulerai des jours heureux, dans une poche, dans une main, sur la cheminée, etc.

Aujourd’hui je suis de retour sur le bureau. Je veille comme une sentinelle cette petite boîte grise. Mon ami s’en est allé pour toujours.

Je suis un petit caillou et chaque nuit, lorsque tout s’éteint, je laisse mes larmes couler. Plus jamais je ne sentirai la chaleur de sa main, ni le confort de ses poches. Gérémy est maintenant devenu poussière et moi je suis toujours un petit caillou qui a mal et qui pleure en silence. Je ne suis pas de

pierre.

Roland

 

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