LE MUR DES RÊVES d'AZALAÏS
Très beau texte poétique d'Azalaïs
Je me suis toujours demandé pourquoi, au moment de Noël, les gens ont un besoin subit de vous rappeler des souvenirs heureux que vous ne trouvez pas ! J’ai beau fermer les yeux, faire monter en moi quelques miettes d’enfance, chercher des oasis dans les bulles du temps, je ne vois que les pierres d’un aride désert aussi lourdes à traîner que des outres de larmes !
Je revois l’ocre rouge des dunes s’endormir au soleil, les marchés colorés dans l’oued d’Aïn Sefra, les plages de Carthage, la pêche au poulpe sous le palais de Bourguiba, les algues vertes et gluantes qui me frôlaient les cuisses, les abîmes rocheux où dormaient les oursins, la danse des méduses aux chapeaux vaporeux. Je revois les sapins enneigés de Fribourg, ma vieille luge en bois qui emportait mon rire, oublieuse un instant de la fureur du père.
Une enfance à me terrer, à me figer, à ne pas être, emmurée dans mes rêves. Une enfance pétrifiée, prisonnière de mes silences. Ne pas faire, ne pas pleurer, ne pas bouger, avoir peur …
Je revois l’extravagance de ma mère, sa beauté lumineuse, son allure de reine, sa grâce de déesse. Oui, j’ai grandi dans ce silence habité de violence, dans le pic pic absurde de la machine à coudre et le désordre chamarré de ces flots de tissus pour que nous soyons beaux ! Qui dira mes errances secrètes, juste avec ces deux mots pour pouvoir me construire : il fallait être sage, il fallait être belle !
Je ne saurai jamais d’où lui venait un tel aveuglement : offrir de l’illusion pour soigner nos détresses ! Elle avait bâtit sa vie sur des remparts de sable et s’obstinait dans son égarement à ne pas voir crouler les murs de son château !
Aujourd’hui encore, elle me refuse l’aumône de sa reconnaissance et moi, je ne sais pas si je dois malgré tout lui accorder l’aumône du pardon !
Azalaïs
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