FLEUVE de POLLY

Publié le par juliette b.




Il n'y a pas de vie sans de petits bonheurs




Ma traversée.
 
Pendant des millénaires, j'ai traversé le temps dans mon lit de bruyère, tranquille et libre. Mais depuis peu d'années mes crues qui abreuvaient de limon la verte vallée ont cessé. Désormais canalisé, je suis maté, maîtrisé, obéissant, sans colère et je ne nourris plus les terres.
Je charrie dans mes eaux d'âpres déchets que je ne peux digérer et si je me réchauffe aux  hautes cheminées qui puisent dans mon lit la fraîcheur nécessaire pour refroidir leurs noyaux nucléaires, cet échange me barbouille d'algues nocives et de sable remuant.
Je me sentirais mort, peut-être, s'il n'existait un joli coin oublié des canaux, du béton, des routes, un petit coin secret où mes eaux barbotent tranquillement loin des rivages inhospitaliers, un petit coin d'amoureux, de frétillements invisibles, un havre, un repos.
Ici, je frémis de plaisir dès que les alevins se bousculent sur les flots, je fredonne en douces vaguelettes quelques chansons de fleuves, je frôle les branches des saules égarés qui abritent tant de baisers cachés, je ris lorsque les carpes, brochets, anguilles dansent leurs amours aquatiques.
Et j'attends chaque été.
J'attends chaque été les enfants du village qui brassent dans ce réservoir préservé par je ne sais quel miracle. Ils sont là avec leurs cris, leurs rires, leurs éclaboussements, leurs chants, leurs taquineries, leurs bousculades.
Ils sont là et grâce à leur précieuse présence mon grand corps fluvial qui traverse l'ailleurs souillé n'existe plus.
Quand ils sont là je suis ivre de vie.

Polly


http://mpolly.over-blog.com

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
tu me fais penser à cette chanson de George Moustaki: "Il y avait un jardin qu'on appelait la terre, on pouvait s'y nourrir à toutes les saisons..."..."Où est-il ce jardin où nous aurions pu naitre?..."
Répondre
A
Touchée Polly, mon fleuve est un martyre, je suis heureuse de savoir qu'il existe quelque havre... combien de temps? Bisous.
Répondre
S
Comme toujours, Polly, un plaisir de te lire, de suivre de débris, en boue, de sêcheresse, en abondance, de pauvreté, en richesse, les aléas de la vie du fleuve...ou la nôtre.
Répondre
T
Puissent ces enfant se souvenir de ces jeux aquatiques, et si ce n'est  corriger les grosses erreurs de leurs parents au moins ne pas les reproduire...pour la santé de nos fleuves et notre environnement en général...
Répondre
O
Heureusement qu'il reste encore quelques rives sauvages sinon ce serait vraiment triste...Très belle hymne à la vie. J'aime beaucoup
Répondre