LE VOYAGE EN TRAIN de BABETH
On comprend qu'il ait paru long
Mon premier voyage en train.
Ce fut une journée mémorable... C'était le mois de juillet, les grandes vacances étaient commencées depuis une bonne quinzaine de jours, j'étais âgée de treize ans, et je partais en vacances avec ma mère et ma sœur, pour la première fois de ma vie.
A l'époque,nos étés étaient chauds et ensoleillés, même chez moi, dans le Pas de Calais, et j'allais découvrir un autre coin de France encore plus ensoleillé et plus chaud, la Haute-Garonne...
Inutile de vous dire que j'étais excitée comme une puce, mais aussi un peu inquiète, car j'allais faire la connaissance d'oncles, de tantes, de cousins et cousines, et surtout de mes grands-parents maternels...
Levées de bonheur, nous parcourûmes deux kilomètres à pied, chargées comme des baudets, pour atteindre la petite gare d'Hesdin. La matinée était fraîche, mais le soleil fit vite son apparition, et nous accompagna tout au long de la journée.
Le chef de gare nous avait dit qu'on en avait pour dix heures de trajet, avec des dizaines d'arrêts, avant d'arriver à la gare de Toulouse... Pour prendre notre mal en patience, et pour passer le temps, on avait pris un jeu de cartes, des mots croisés, et aussi des casse-croûtes pour les petits creux...
Mais, les premières heures se passèrent pour moi, à regarder défiler les paysages... Les arbres, les maisons, les vaches, s'étaient mis à la file indienne et ne cessaient d'apparaître, puis de disparaître au loin, et moi, je ne me lassais pas de les observer... Je vis les champs de blé si familiers disparaître peu à peu du paysage pour laisser place à des magnifiques champs de tournesols, puis, plus tard, je vis pour la première fois de ma vie, des vignes alignées, à perte de vue. A chaque kilomètre qui se déroulait, j'étais émerveillée par ce que je voyais... Même les vaches noires et blanches étaient devenues blondes...
J'avais tellement chaud, que j'avais ouvert la vitre pour sentir le vent sur mes joues et dans mes cheveux... De là, quand le train prenait un virage, je pouvais voir la locomotive, très loin devant, et ça m'amusait beaucoup. Un rien m'amusait à vrai dire... Mais, rappelez-vous, je n'étais jamais sortie de mon trou...
Après plusieurs heures , je commençais à trouver le temps long... Et malgré les parties de cartes et les mots croisés, malgré les paysages changeants, je ressentais une certaine lassitude... J'avais des fourmis dans les jambes, et à part marcher de long en large dans notre wagon, en profiter pour aller aux toilettes, ( ce qui ne manqua pas de m'amuser beaucoup, puisqu'on pouvait voir les rails par le trou de la cuvette..), je commençais sérieusement à me lamenter sur mon sors. Il faut vous dire qu'à cette époque, je ne tenais pas en place... Alors, passer autant de temps à la même place, et par une chaleur étouffante, je vous jure que je n'en pouvais plus.
Après huit heures de trajet, je donnais vraiment des signes de malaise... J'essayais de dormir un peu, en posant ma tête sur mes avant-bras, eux-mêmes posés sur la tablette qui se trouvait entre les deux sièges. Mais en vain. En fait, j'étais trop fatiguée pour réussir à dormir... Alors, ma mère, pour me réconforter, me dit: "Plus que deux heures à tenir"...
Mais, c'est à peu près à ce moment là que le train se mit à ralentir, puis après quelques minutes, s'arrêta carrément... Je me mis à regarder de nouveau par la fenêtre entrouverte, pour essayer de comprendre cet arrêt inattendu, car nous n'étions pas dans une gare... Et c'est là que je m'aperçus que les bas-côtés étaient recouverts d'eau... Nous ne comprenions pas ce qui se passait... Là-bas, au niveau de la locomotive, nous voyions bien des gens s'afférer, mais ils étaient bien trop loin pour que nous puissions interpréter leurs gestes...
Après un quart d'heure d'attente, le contrôleur, qui arpentait tout le train, nous expliqua que peu de temps avant notre arrivée en ces lieux, étaient tombées des pluies d'orage d'une telle violence, que la voie de chemin de fer était inondée... Et, comble de malchance, nous étions coincées là pour au moins deux bonnes heures!... Le soleil étant toujours là, au beau fixe, nous n'aurions jamais pensé à un orage...
Imaginez ma déconvenue... Deux heures d'attente en plus des deux heures de routes encore à faire... Ce furent les quatre plus longues heures de ma vie... La fatigue, et cette chaleur à laquelle je n'étais pas habituée, eurent raison de ma résistance physique, et je finis par courir aux toilettes, non pas pour regarder défiler les rails, (d'autant plus que le train était à l'arrêt), mais belle et bien pour rendre mon quatre-heure...
Ensuite, exténuée, je vins me rasseoir pour m'endormir un court instant... Mais au bout d'un quart d'heure, mes jambes se mirent à avoir des soubresauts incontrôlables... Mes nerfs étaient à vif... C'est ce qu'on appelle "avoir les nerfs à fleur de peau", dans le vrai sens des termes...
Dieu merci, après ces deux heures d'arrêt forcé, et ces deux dernières heures de trajet, nous arrivâmes enfin à la gare de Toulouse... Une magnifique grande gare, qui me laissa sans voix... Je me mis à penser à notre ridicule petite gare d'Hesdin... Ici, on pouvait se perdre rien qu'en regardant à l'autre bout de la gare... Enfin, c'est l'effet que j'ai ressenti ce jour là... Bien sûr, nous avions changé de train à Paris, mais, arrivées à la gare du Nord, nous nous étions engouffrées dans le métro souterrain, pour atteindre la gare de Lyon... Pas le temps, donc, de m'émerveiller devant cette gare immense...
Après douze longues heures interminables et éreintantes, je fis enfin la connaissance de ma tante Isabelle, la petite sœur de ma mère, qui nous attendait pour nous emmener chez elle, à Tournefeuille, à vingt ou trente minutes de Toulouse... Mais ça, c'est une autre histoire...
Babeth.
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