LA VIE RÊVÉE ... de MATHEO
Qui pense à la souffrance de l'arbre blessé ?
J’ai lutté pendant des années pour réussir à pousser, ça n’avait rient d’évident, les personnes qui m’ont installé ne prenaient pas de précaution, loin de là, les arbrisseaux prenaient ou mouraient voila tout.
J’ai mis toutes mes forces dans la bataille et je m’en suis sorti.
Je suis devenu grand et fort, un bel arbre au tronc robuste et rond.
J’aimais voir les voitures passer, lors des grandes migrations estivales, elles étaient chargées de bagages, leurs occupants semblaient heureux et moi , je faisais de mon mieux pour leur apporter de l’ombre lorsqu’ils s’installaient par hasard prés de moi pour déjeuner d’un sandwich.
Ma plus grande joie, fut de voir le premier nid se bâtir dans mes plus hautes branches.
J’étais heureux, je n’enviais pas mes frères de la forêt, j’étais chez moi sur cette route, je jouais avec les rayons du soleil, avec les ombres des lunes et avec le givre, qui m’offrait des rivières de perles, trésors de l’hiver.
Puis il y eut ce terrible choc, un petit matin resplendissant de printemps.
Je ne savais pas qu’on pouvait avoir si mal lorsque, tout à coup, on se retrouve privé de sa sève.
J’ai senti la douleur lancinante de la mort me dévorer le cœur.
Une épaisse marre de sang coulait vers mes racines, le silence fut déchiré par le bruit assourdissant des sirènes, des gens en uniformes se pressèrent autour de l’amas de tôles qui m’avait si sauvagement mutilé.
On recouvrit d’une couverture le corps inanimé qui gisait à quelques mètres de moi.
Le lendemain, on m’acheva à la tronçonneuse, je n’eus pas la force de gémir en m’abattant.
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Au bord de la nationale, il subsiste la trace de deux vies trop vite envolées.
Un bouquet de fleurs artificielles pour un jeune homme d’à peine dix neuf ans et une souche pour un arbre qui aimait entendre chanter le vent…
Matheo