KABIR par CATHEAU
Histoire éternelle des épouses trompées
A Monsieur le Vicomte de H.,
« Ton cœur est un jardin de fleurs… » m’aviez-vous si amoureusement murmuré le soir de notre première promenade dans le jardin de mes parents, après que vous eussiez demandé ma main à mon père. J’avais dix-sept ans et je sortais du couvent ; vous en aviez trente et vous étiez un homme fait.
Ce temps de fiançailles fut pour moi ravissement et extase. J’étais la Sulamite dont vous étiez le Roi. Chaque soir, dans mon demi-sommeil, je me répétais inlassablement les vers que vous ne cessiez de me réciter en me tenant la main. Ils faisaient naître en moi une vibration inconnue :
« Tes yeux sont la porte du Ciel,
Ta peau a les reflets de la blanche opale,
Tes lèvres sont la baie rouge où je bois les baisers de ta bouche.
Elu serai-je quand ma Bien-Aimée
Passera le seuil de ma maison ;
Bienheureux deviendrai-je
Quand sa caresse me mènera au nadir
De sa beauté parfumée de nard et de cinnamome. »
Vous m’aviez envoûtée, Octave ! Mais le charme fut rompu quand vous allâtes seul au bal de la marquise de M.. Madame de C. y dansa avec tant de grâce que le philtre d’amour se répandit dans vos veines à tous deux. Je n’existai plus. Nos fiançailles furent rompues aussi vite qu’elles avaient été conclues. Comme la mer se retire à la vitesse d’un cheval au galop, l’amour s’en fut de votre âme.
Ce soir, j’irai marcher dans l’étang. Après-demain matin, en lisant votre journal tout en dégustant votre thé, vous direz :
« Son corps est plein de nénuphars… »
Adieu, Vicomte,
Malthilde des S.
Catheau
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