LE RÉBUS de CLAUDIE
Un rébus est forcément fort long à décripter
SUPER CADEAU DE NOEL
Oh comme c’est joli ! Le paquet était au pied du sapin et directement branché sur les guirlandes clignotantes qui envoyaient mille feux dans la pièce réchauffée d’une cheminée à étincelles. Papy avait mis en marche le bras tordu de l’électrophone et Charles Trenet nous sautait dans le cœur et les oreilles. La chose était assez volumineuse et composée : d’un compteur Geiger, de becs Bunsen, de cornues explosives, de tubes à essayer bien tentants à réchauffer, plus le manuel du parfait petit chimiste. Cette machine était alimentée par une pondération de charge d’amitié. Elle y gagnerait en flexibilité me dit le papy tremblotant car atteint par la maladie de Parkinson. Mes petits frères vibraient d’envie d’en tripoter les prises mais pas question qu’ils y touchent. C’était indiqué dans la notice : utilisation interdite aux enfants de moins de douze ans.
Je suis allé dans ma chambre chercher mes lunettes triple foyer et mon radio réveil en forme de Mickey. Je n’aimais plus Mickey, apparenté aux souris démodées et autres rats de bibliothèque à la fourrure mitée. Je préférais de loin mon nouvel engin tout customisé et tellement futuriste. Peut-être qu’en y ajoutant un super sonar, j’arriverai à capter la vie sur les autres planètes. Pépé avait vu une soucoupe tous feux éteints, dans le jardin du voisin. Des êtres attachants et verdâtres s’en étaient extraits et puis collés aux troncs des pommiers. Ils étaient velus comme des chenilles. Des êtres affreux avec des regards tellement inhumains.
« J’ai une idée » me dit le brave homme même atteint de Parkinson, j’ai le doigt très sûr et toujours pointé vers les étoiles, tu le sais fiston !
« Fiston, Papy voyons ! » J’échangeais avec le vieux sage déjanté un regard de complicité par-dessus mes verres opaques. « J’ai passé l’âge des dessins animés, et je n’aime plus Mickey. Je préfère porter mon merveilleux cadeau à ébullition tout seul. Connaissant la maladresse du Pépé, c’était plus prudent.
Je débranchais avec précaution les prises tactiles et chatouilleuses de leurs guirlandes. Le sapin tout triste s’éteignit de dépit. J’emportais en catimini mon précieux cadeau dans ma chambre. Papy, bien-entendu, me suivit sur ses jambes désarticulées, sans oublier au passage de remonter le Charles Trenet et sa musique de rime la boum.
Finalement, je le laissais entrer, fermais bien la porte, ajustais sur mon nez morveux mes lunettes triple foyer, fourrageais dans ma boite à outils pour en extraire des pinces monseigneur, fières et hautaines. Je sortais du torchon à carreau, des pains de TNT, cachés précieusement. Je les avais subtilisés à la cantine de mon usine de roulements à billes. Je branchais la prise électrique qui cracha des étincelles de reconnaissance. Les becs Bunsen se mirent à cracher, les cornues à fumiger puis à glouglouter bizarrement. Une explosion retentissante ébranla le quartier. Des dollars s’échappèrent des poches de mon pantalon de Mickey. Les chenilles du pommier du voisin valsèrent. Le toit de la maison s’envola, les murs s’écroulèrent et, Papy et moi, on se retrouva propulsés dans l’espace après avoir donné un coup de pied magistral à la rampe de lancement. Juste le temps d’apercevoir les frères ébahis et admiratifs, ma mère verte de rage et le père Noël sortant de sa cheminée complètement sonné, précédé de ses rennes décornés par la déflagration.
Et, depuis ce temps là, je tourne autour de la terre. Mon cœur fait boum. Je tremble de plus en plus et voilà que je perds moi aussi la boule. Papy s’est désintégré et je serre bien fort contre ma poitrine catalytique, le compteur Geiger intact de mon merveilleux cadeau de Noël.
CLAUDIE