LE BANC de DANIEL
Le banc de souvenirs
un banc, des vies
toujours j’allais dans ce parc, cette quiétude nonchalante, ces couleurs de saisons
et puis ce banc, mon banc mais laissez-moi vous dire
gamin, j’y posais mes livres, révisais mes devoirs avant l’interro ou écrivais maladroitement les réponses aux exercices, j’observais, mamans et progénitures, retraités solitaires, cadres essoufflés et leur mallette grise comme le fond de leur âme,
puis, l’adolescence, c’était mon banc, j’y emmenais mes fantasmes et rêves quand les mains se touchent fiévreuses et tremblotantes et les premiers baisers, visages rouges et mots incertains, plus tard j’y fis même l’amour, sexe tendu sous la jupe longue et le visage caché par l’étreinte, le défi et la communion, immobile
puis vînt le temps de l’adulte, je caressais les lattes de bois entre les larmes et y pleurais les absences venues, mes géniteurs, mes êtres aimés, ruptures de vie, peaux manquantes,
et ce banc, tout écorché de gravures au couteaux et de peintures rebelles restait le mien, il me semblait que le bois respirait quand je le retrouvais,
je sortais mon carnet en ces moments propices et y laissais quelques mots éphémères au tapis pourpre des feuilles sous le craquement des promeneurs,
ce jour je tousse, viens encore m’y asseoir, ce banc est complice, il sait trop de choses, les cris des enfants m’appellent à la vie, les lèvres avides remuent les souvenirs,
il fait tard et froid, je sais l’ultime porte grande ouverte et impatiente, c’est l’hiver c’est sur et mon banc qui m’attend au bout de l’allée, j’y viens, m’y allonge doucement comme tous ces errants sans repaires et frontières,
je caresse encore une fois la fonte et l’écorce, m’étire et replie le banc pour m’en faire un linceul
Daniel