LA FÉE de CATHEAU

Publié le par juliette b.


Dans certaines régions, on rencontre encore
une Dame Blanche, errante

 

C’te soirée-là d’automne frisquet, dans l’ Pays-d’Enhaut, l’ faisait cramine. L’ mère Ropraz touillait l’ feu pou l’ soupe. Son galapiat d’ Wilhelm entra dans l’ salle basse qui puait l’ lait cru et l’ suie. L’ s’affala tout carré-bossu su l’ banc en bois d’ fayard, sans li jeter eun oeil.

- Qu’est-ce t’as donc mon fieu, qu’elle lui cria en versant eune grande louchée de méclette aux orties, t’es tout mollachu , dirait qu’ t’as vu l’ diable su son bouc !

L’ Wilhelm, qu’ était en train d’ couper eun crotchon d’ pain noir pour saucer, ben i resta tout coi comme si qu’ eun tavant l’ avait piqué ses fesses:

- T’ crois pas si ben dire, l’ mère ! J’ l’avons vue, Elle !

L’ mère Ropraz posa lourdement l’ louche sur l’ table. Son petiot bougnet, le vlà qui recommençait  c’te folie, l’ savait ben que ça d’vait un jour advenir.  C’est pas pou dire, l’ avait tout fait pour l’ sortir de son cotzon d’ vieille bique ct’ après-dînée d’octobre où l’ avait retrouvé la Manon dans l’ puits auprès d’ la cave aux fromages, c’te soirée où l’ Wilhelm avait bramé sa tyrolienne qu’ avait réveillé tous les échos d’ la montagne. D’puis, l’avait pus été l’ même. L’ mettait pus de campanule à son galurin, l’ courait pus la gueuse, l’ allait pus gavotter au bal l’ sam’di soir. L’ restait comme eun bota à r’garder l’ feu naître pis mourir, à tirer su sa pipe comme si voulait l’avaler.

 

 

 

Qué tristesse ! L’ Wilhelm,  il l’écoutait déjà pus sa bedoume d’ mère. L’ s’était levé comme un cabri, avait pris son pieu et tout badadia l’ avait couru dans l’ nuitée et dans l’ cru comme un dératé. L’ mère Ropraz qui berçait, l’ avait point pu l’ suivre. L’ avait eu beau barjaqué après lui pace qu’il avait pas pris son falot, l’ était demeurée seulette sur l’ pas du chalet avecque l’ cœur en angoisse.

L’ lend’main, au matin, l’ brume, l’ voulait point déguiller. Hans, l’ fromager d’Etivaz, l’ avait ramené son p’tit grio tout morfondu su l’ charroi. L’ avait entendu corner l’ concert des senailles dans l’estive, l’ avait grimpé tous les virolets du raidillon comme eun taborniaud. L’ avait trouvé son Wilhelm, tout aplati dans l’ champ aux vaches, avec l’z yeux tout clos, l’ face toute égrafignée, eune digitale entre ses dents.

Dans l’herbe, autou d’ son corps d’ moribond, c’tait tout piétaillé, comme si qu’eune bougresse, l’ avait dansé le Hierig toute l’ nuit en sarabande avec son Wilhelm.

 

Catheau

 

 

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Publié dans Catheau

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A
C'est un pays de j'teu de sort ou quoi ???
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