DUNKERQUE d'ARTHEMISIA
Étrange de ne plus aimer son pays d'enfance
Tu étais grise ou verte. De ces couleurs de moisissures sur le pain oublié. Parfois toute blanche aussi, tes jours d’indiscipline. Tu fais ce que tu veux. Je le sais.
Tu étais là, immense, à l’autre bout de mon œil, encore plus grande que l’ennui de toute une vie.
Tu étais froide et tu me sciais les jambes quand je m’aventurais, pour faire comme tout le monde, en ton ruban saumâtre.
Tu montais, tu descendais, tu ne savais pas ce que tu voulais. M’enquiquiner sûrement. Me faire marcher et courir aussi.
Mais tu étais glauque, opaque. Alors j’avais peur de marcher, de courir. J’étais certaine que dans ton ventre vivaient d’horribles monstres gluants intestinaux. Il fallait donc nager dans tes bras froids, sombres et inconnus en évitant absolument de mettre les pieds par terre sous peine d’y rencontrer la mort.
Parfois c’était la pince.
Et quand tu t’étais retirée, il fallait encore marcher, encore courir parce que le vent me piquait de ses aiguilles de sable, parce que le kiosque était tout là haut vers la digue, parce que les cousins nous attendaient.
Tu fumais aussi, des vapeurs étranges, lourdes de craie, ou encore de sang, qui s’échappaient de l’ouest par tes longues narines dressées entre les ferrailles en crachats inquiétants.
Alors ne me demande pas pourquoi je t’ai plaquée.
Tu le sais.
On ne peut pas être tout le temps du pays de son enfance…ce n’est pas vrai
Copyright © Arthémisia – mars 2008
http://corpsetame.over-blog.com