LE BANC de UT

Publié le par juliette b.

 

Un banc se doit d'être secourable,
même s'il est fait de bois dur
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C’est un beau banc blanc qui raconte; qui murmure aux vieux assis là, en dedans, à l’orée du soir.

Les très vieux ont éculé jour après nuits leurs souvenirs… alors ils viennent, le cœur un peu seul, s’asseoir sur ce banc là.

Ils ne le disent à personne, que le banc raconte… ils ont bien trop peur qu’en plus d’être rien et vieux, ils n’en deviennent séniles, aux yeux des autres; de ceux qui courent et font tout si vite, vite… qu’on n’a même plus le temps de comprendre!

Il les connaît depuis longtemps le banc, ces vieux culs usés, décharnés; ces mains qui tremblent en s’appuyant sur lui pour se poser lentement, douloureusement.

Le banc attend un peu, que les vieux assis retrouvent le souffle de toutes les heures à rien faire; et puis doucement, d’une voix un peu échardée, il commence:

«Autrefois j’étais un bleu banc adolescent, posé face à la mer …»

Et le banc raconte les écumes; les tempêtes; le vent. Et la jeunesse; les amours de baisers et de serments; pour toujours….

…Et ça dure… du temps de vieux; jusqu‘à la communion finale, quand le banc blanc entend les vieux culs souffrir de tout ce bois dur qu’on a mit là sans réfléchir; tout comme eux; au rebus. Il murmure, un peu confus:

«Et oui, malgré ma neuve peinture blanche, lifting obligé des vieilles choses qui n’ont pas le droit de mourir, je n’ai plus que le bavardage ininterrompu des souvenirs, comme toi le vieux…

Ce parc de notre attente peut durer, durer…..»

Mais quelques fois, le banc blanc à la voix de bois commence ainsi:

«Ah, tes fesses sont bien dures ce soir! As-tu du souci, une nouvelle maladie, à part vieillir?

Tu sais, faut pas écouter la douleur: elle efface la mort. Faut pas compter le temps restant: il gomme la lumière.

Allez … penche ta vieille tête sur mon épaule; prends le vieil or du soleil couchant; écoute, écoute ton silence… Madame vieille lune va bientôt mélanger son air de blanc à mon blanc de banc, et nous t’envelopperons doucement. Tu ne sentiras plus rien que toi, au plus clair …»

Et à certaines aubes blanches, des blouses blanches et anonymes se demandent pourquoi les corps, sans doute morts de froid de n’être pas rentrés se coucher, reposent tout contre le banc blanc, blanc comme un oreiller d‘éternité; les yeux fermés, le cœur arrêté; un sourire d’enfant écaillant la vieille peau.

Ut

http://www.utdo.net/

Publié dans Ut

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C
Et si c'était vrai. La poésie et la générosité de ce banc, me donnent l'envie de me reposer contre son bois blanc... Mais plus tard !
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A
Tant de choses à partager dans la durée.... Très beau texte !
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M
Alors là chapeau bas!!
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P
Superbe histoire, très émouvante...*§* Bonne fin de journée *§*
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